GUS BOFA 1883 / 1968

Dominique Hérody

Extrait de À Paris, égaré Bruno Schulz, août 1938, paru chez PhBéditions (2019)

Gus Bofa est mort alors que Dominique avait 11 ans, sans qu’il n’en sache rien. À la fin des années 70, il commence à publier dans quelques mensuels de bande dessinée. Futuropolis édite L’Atelier au mitan des années 80, suivi des Yeux de Louise chez Magic Strip et Hôtel Gagarine dans la collection Atomium du même éditeur bruxellois. En 1990 il commence à enseigner la bande dessinée à Angoulême, et ce pour une trentaine d’années. Paradoxalement la littérature survient alors avec un journal littéraire Le Paresseux (paraît peu quand il peut) – animal aussi aérien que l’araignée en beaucoup moins efficient fondé et animé en équipe, où il écrit, dessine, et s’occupe de trouver des dessinateurs pour rendre les pages moins austères.

Le chemin à suivre par la rue de Vaugirard était élémentaire, pas un seul changement de trottoir — même pour aller prier à Saint-Joseph-des-Carmes si le cœur lui en avait dit — et bien que la tentation fût forte de s’engager rue Madame… Mais, juste au coin à gauche, un livre signé Gustave Le Rouge, dans la vitrine d’une librairie bleue (augmentée de fils d’or et d’autres séduisantes ornementations), figea Schulz qui en oublia son but : La Mandragore magique (séraphins, golem, androïdes, homoncules, orné de cinq planches), H. Daragon éditeur, 1912. Quel programme ! Le Spleen de Paris juste au-dessus passa inaperçu comme Du côté de chez Swann dans sa première édition. Quand il bouscula un individu au visage redoutable — contredit pas une mise impeccable (un roi de la boxe anglaise s’habillant chez Burton of London) —, jaillissant d’on ne sait où (un marchand de couleurs fort estimé), il ne réalisait pas qu’il s’était remis en marche. Il ne remarqua pas la claudication de ce diable d’homme annulée par sa vélocité. Schulz se mit alors à boiter quelques pas durant avant de se décider à y regarder de plus près. Sous sa semelle il découvrit un dessin évoquant un certain « Club des Masques ». Se pourrait-il qu’il se fût échappé des mains énormes de cet homme-fusée ? En tout cas l’escamoteur avait raté son tour ; jusqu’au palais du Luxembourg, Schulz ramassa une douzaine de dessins parmi lesquels il distingua un horloger à l’enseigne d’À la Recherche du temps perdu, désespéré, détaillant loupe à l’œil un vrac de rouages de pendules. Cette occupation impromptue l’empêcha de s’engouffrer sous une arche — qui l’aurait mené à Drohobycz à l’improviste, en moins de temps qu’il ne fallait pour y songer, par une étroite rue pavée descendante, confondant le dôme de Saint-Sulpice avec celui de Saint-Bartholomé. À partir de ce moment-là, les affaires se compliquèrent quand il se retrouva à découvert, le majestueux palais pavoisé de bleu-blanc-rouge lui barrant toute retraite.


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