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Bill Mauldin est né dans une ferme des montagnes Sacramento, au Nouveau Mexique. Enfant chétif et fragile, aux oreilles aussi décollées que celles de Gus Bofa,il rêve d'une vie héroïque et se prend de querelles avec plus grand que lui.
En 1940, à 19 ans, il s'engage dans l'armée. Servant dans la 45e Division d'Infanterie, il recevra le Purple Heart pour les blessures reçues en Italie. Le seul coup de feu qu'il tire est pour tuer un boeuf afin de nourrir des paysans italiens.
Pendant ses campagnes en France et en Italie, il réalise, au front, plus de 600 dessins, dont la plupart sont publiés dans Stars & Stripes. Les simples soldats se reconnaissent dans Willie et Joe, ses deux anti-héros, au regard triste, à l'humour tranquillement désespéré, résignés à subir une guerre qui semble ne devoir jamais finir, et dépourvus de toute illusion sur la marche du monde.
Le général Patton, lui, tentera de faire interdire ses dessins, qu'il jugeait hostiles aux officiers. Il faudra l'intervention de Eisenhower pour sauver Mauldin.
Un vétéran d'Omaha Beach dira du dessinateur : "Il était un de nous. Il défendait les conscrits. (...) Il était notre champion." Et Charles Schultz (qui fit la guerre dans la 20e Division Blindée) chaque année, pour le Veterans Day, rendait hommage à Mauldin.
Après la guerre, Mauldin continua de dessiner, s'en prenant au sénateur Mac Carthy (ce qui lui valut de perdre son emploi), dénonçant le totalitarisme en URSS et la ségrégation aux Etats-Unis, protestant contre la guerre du Viet-Nam.
Il sera renvoyé du Sun-Times en 1990, après avoir exprimé son désaccord avec l'envoi de troupes en Irak. Lauréat de deux prix Pulitzer, il meurt, oublié de tous sauf des vétérans de la Seconde Guerre mondiale, en 2003, victime de la maladie d'Alzheimer.
Mauldin, tout comme Gus Bofa, ne pouvait montrer qu'une fraction de la réalité de la guerre. Mais les deux artistes ont su en dire assez pour que les combattants lisent entre les lignes et retrouvent dans leurs dessins leur vie de pauvres bougres, fatigués et résignés, affrontant avec stoïcisme misère morale et souffrance physique, écrasés sous le poids de leur barda et de l'histoire.
"Le plus sûr moyen de devenir pacifiste", écrit-il, "est de s'engager dans l'infanterie. Je ,n'essaie de faire paraître noble le fantassin car il ne pourrait pas avoir l'air noble même s'il essayait. Mais il y a une certaine noblesse et dignité chez le soldat et l'infirmier de première ligne, qui ont de la boue dans les cheveux. Ils sont rudes et leur langage est grossier parce qu'ils mènent une vie dépourvue de toute convention et de tout agrément."
Ceux qui voudraient en savoir plus sur ce journaliste graphique, sur ce témoin caustique et lucide, peuvent lire son livre Up Front, réédité en en 2000 par W.W. Norton, et la biographie de Todd DePastino, Bill Mauldin parue en 2008 chez le même éditeur.

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